________ FLASHFORWARD
Exposition vidéo

Avec Elliot Eugénie, Benjamin Fraboulet, Fabien Giraud & Raphaël Siboni

Flashfoward : n.m., courte séquence qui, en se projetant dans l’avenir donne au spectateur un aperçu sur la suite de la narration.

FLASH
L’aménagemant des jardins dits paysagés ou à l’anglaise au XVIIIe siècle se construit tout entier en réaction à l’ordonnancement du jardin à la française, dominant aux XVIe et XVIIe siècles. Quand ce dernier est dessiné au compas et suivant des proportions canoniques séculaires, le jardin à l’anglaise qui lui succède ensauvage artificiellement les parcs d’agréments : allées sinueuses, reliefs et grottes artificiels, frondaisons opulentes, le tout bien souvent ponctué de fabriques, petits bâtiments visant à agrémenter le parcours – pavillons orientaux, temples grecs, vraies-fausses ruines en tout genre etc. – Là où le jardin à la française affirme le pouvoir de domestication de l’homme sur la nature et le plaisir pris aux justes proportions et à la rectitude, le parc paysagé s’enivre des courbes alanguies de ses promenades, de la moiteur de ses sous-bois, de l’effroi délicieux provoqué par ses points de vues en contre-plongée sur des castellets en ruine. Il exalte la puissance affolante du sublime contre le plaisir mesuré du beau, caractéristique du style paysagé qui le précède. En sortant de la pure géométrie et de la mise en espace d’un canon pensé comme anhistorique, le jardin à l’anglaise plonge avec extase dans l’histoire, et se délecte des artefacts pittoresques qu’il met en scène dans une étonnante polyphonie civilisationnelle. L’un de ces parcs les plus célèbres en France s’appelle le Désert de Retz, son nom faisant référence à l’acception ancienne du terme, quand le désert désigne moins un espace aride, vide de végétation et de présences animées (humaines ou animales), mais plutôt des zones sauvages, non habitées ni domestiquées par l’homme, en particulier les forêts reculées propices à la retraite, l’ermitage et la méditation. Pour l’homme du XVIIIe, les bords de la civilisation offrent un point de vue permettant de saisir, par le dehors, ce qui ordonne la vie des hommes, le sens de la culture et le dessein caché de l’Histoire. L’irruption concomitante de l’Histoire – en lieu et place du canon considéré comme anhistorique – et de la méditation métaphysique – en se situant en retrait du cours des choses, en dehors de la vie de ses pairs – entraîne avec elle la mise en présence de temps hétérogènes qui se regardent par ruines interposées.

FORWARD
Quelle traduction pour ce territoire séparé du parc dix-huitièmiste dans l’espace clos du cadre vidéo? Ici le motif de la ruine paysagère néo-classique est réinformé à l’aune de la technique et du dédoublement filmique pour Bassae Bassae, de la science-fiction et de la simulation 3D, pour Res Nullius et Odesya, anarhiya mati. Les artefacts en présence appartiennent à des séquences temporelles indiscernables, dont au fond la succession n’est plus certaine. Les objets se regardent désormais sans savoir qui est la ruine de qui, ni même si la ruine est le fait d’un vieillissement effectif ou d’une décision arbitraire et immédiate. Les allers-retours incessants entre anticipation et rétrospective finissent par boucler dans une sorte de « rétrocipation » qui accomplie leur coïncidence : le clignotement temporel se solde par l’écrasement de ses différentes séquences dans un bloc redevenu homogène.

Clémence Agnez

INFOS

• Vernissage le samedi 23 mars à partir de 19h
• Exposition du 23 au 30 mars 2019
> Feuille de salle

output_OlrMw5