Texte du curateur :

« Je vais publier un livre satanique, plein de messes noires, lui déclara Huysmans.
Je veux en faire un autre qui sera blanc. Mais il est nécessaire que je me blanchisse moi-même.
Avez-vous du chlore pour mon âme ? ».

Là-Bas, c’est l’annonce d’un cheminement, sorte de chemin de croix, qui pour l’instant ne se laisse pas voir. On ne le devine pas. On le comprendra que plus tard. C’est le moment qui précède la révélation de J-K. Huysmans. Ce livre a été pour lui une ultime recherche satanique, un grand débordement, avant que le regard ne se porte plus précisément sur d’autres contrées, d’autres lieux, et que ses pas ne le mènent sur d’autres sentiers. La trilogie de la conversion ne s’est pas encore ouverte. Elle apportera quelques années plus tard le nouveau sens artistique et spirituel d’une vie complexe. L’âme, enfin, va se libérer. C’est un nouveau monde qui se forme dans la révélation. Le 28 mai 1891, l’abbé Mugnier rencontre Huysmans. Il ne l’a pas lu, sait de lui qu’il fait partie du cercle de Medan, connaît bien sa mauvaise réputation et a appris que l’auteur d’À Rebours était à la recherche d’un prêtre. Il n’y a pas de révélation chez Huysmans sans la lassitude de l’époque, sans le désintérêt, sans le confort que procure aussi un ailleurs.

L’obsession intime que représente cette amitié entre l’abbé Mugnier et l’écrivain fin-de-siècle conforte un goût pour la mystique, ses fonctions sociales, sa dimension cosmique, sa portée anthropologique. Mais, la révélation n’est pas la vaine évocation d’un temps révolu. Elle relève tout au contraire d’un ré- enchantement des formes, insatiable besoin d’arrêter le regard, de désigner un objet comme le lieu d’une croyance, de scruter un effet et de dire enfin « Je vois ! ». La révélation, avec ou sans foi, est la force d’extraction du présent et un désir de projection.

Théo-Mario Coppola